Les femmes vivant avec le VIH peuvent accoucher sans transmettre le virus à leur bébé grâce à des thérapies innovantes telles que la thérapie antirétrovirale (T.A.R.). Cependant, de nombreux bébés nés de femmes séropositives subissent des conséquences négatives, dont certaines ne sont découvertes que longtemps après la naissance de l'enfant.
Dans certaines régions du monde, bien que le T.A.R. arrête la transmission du VIH de la mère à l'enfant, de multiples déficiences immunitaires et neurocognitives à long terme peuvent se développer chez les enfants nés de mères séropositives.
Sans réponse à la question de savoir pourquoi cela se produit, le parcours de la grossesse est parsemé d'effets psychosociaux, notamment un deuil compliqué, une dépression et bien d'autres choses encore.
Les scientifiques continuent de débattre pour savoir si les médicaments antirétroviraux ou le VIH sont responsables de ces résultats de grossesse, mais grâce aux efforts du Dr Ancuta et de son équipe de recherche montréalaise, nous sommes peut-être beaucoup plus près de la réponse.
La Dre Petronela Ancuta, l'une des récipiendaires d'une subvention de recherche en innovation du CANFAR (cycle 31), a entrepris une étude pilote pour examiner de plus près les cellules à longue durée de vie du placenta afin de voir ce que nous pouvons apprendre sur la façon dont le VIH affecte la grossesse.
Notre corps comprend une sorte de cellule unique appelée macrophage, qui, selon son type, peut jouer plusieurs rôles. Un macrophage présent dans l'organisme peut être de courte durée et contribuer aux réponses immédiates du système immunitaire ; ou, si un macrophage existe dans l'organisme pendant une longue période, il est considéré comme étant de longue durée et fonctionne comme un gardien des fonctions immunitaires. Ces macrophages à longue durée de vie sont responsables du maintien de nos structures osseuses et tissulaires, et sans eux, les humains ne pourraient pas donner naissance à un enfant.
Dans une interview, le Dr Ancuta explique qu'en apprenant si et comment le VIH infecte les macrophages dans le placenta, nous pourrons mieux comprendre les conséquences de l'infection. Si nous connaissons ces effets, nous pourrons établir un lien entre les changements observés dans le placenta et les complications observées chez un enfant né d'une personne vivant avec le VIH. En comprenant le fonctionnement de ces changements, nous pouvons alors identifier de nouvelles stratégies pour limiter les conséquences négatives de la grossesse.
"En comprenant comment les virus ciblent des types de cellules aussi importants dans l'organisme, nous pouvons mettre au point des systèmes modèles qui nous aideront à déterminer le type d'implications que l'infection aura sur l'enfant", explique le Dr Ancuta.
Pour mener à bien cette recherche, la Dre Ancuta et son équipe (cochercheurs : Dre Isabelle Boucoiran - Hôpital Sainte-Justine, Montréal ; Dre Cécilia Costiniuk - Centre universitaire de santé McGill, Montréal ; M. Ramon Edwin Caballero, étudiant au doctorat - Université McGill, Centre de recherche du CHUM ; Mme Shari Margolese - utilisatrice des connaissances communautaires) compareront les macrophages des femmes vivant avec le VIH à ceux des femmes qui ne vivent pas avec le VIH. À l'aide de techniques de recherche avancées, comme la cytométrie de flux spectrale, l'équipe triera les cellules infectées par le VIH à longue durée de vie et à courte durée de vie en fonction des altérations perceptibles. Grâce à ces observations, ils pourront en apprendre davantage sur les voies utilisées par le virus pour altérer les macrophages et, avec suffisamment de données, déterminer si le T.A.R. ou le VIH lui-même est à l'origine des issues négatives de la grossesse chez les femmes vivant avec le VIH.
Le potentiel de cette recherche ne s'arrête pas là. Ce qui rend l'approche du Dr Ancuta et de son équipe unique, c'est que les macrophages du placenta sont déjà matures, de sorte que les modèles qu'ils construisent sur la base de ces cellules matures peuvent être appliqués à d'autres types de macrophages qui sont souvent ciblés par le VIH. L'un des principaux obstacles à la recherche actuelle est l'accès aux macrophages de manière non invasive, car il n'y a pas beaucoup d'endroits dans le corps où se trouvent des cellules à longue durée de vie et des cellules à courte durée de vie. Les autres endroits sont le cœur, le foie et le cerveau, mais ils ne sont pas facilement accessibles de manière non invasive. Le placenta est l'un des rares endroits de l'organisme qui réponde aux critères nécessaires et c'est l'une des principales raisons pour lesquelles le Dr Ancuta a choisi les macrophages placentaires pour son étude.
Grâce à cette approche nouvelle et innovante, nous avons la possibilité de comprendre comment les virus se répliquent dans d'autres macrophages importants, notamment ceux du cœur, du foie et du cerveau. Cela signifie que cette recherche nous permet de construire des modèles qui peuvent être appliqués pour trouver des traitements ou des remèdes pour d'autres comorbidités liées au VIH. Comme l'explique le Dr Ancuta, "de nombreuses connaissances fondamentales ont des applications cliniques, et pas seulement dans le contexte de la transmission mère-enfant. C'est pourquoi la recherche fondamentale est une étape clé de la recherche biomédicale pour la conception intelligente de nouvelles interventions thérapeutiques."
Les travaux menés par le laboratoire du Dr Ancuta pourraient ouvrir la voie à des innovations susceptibles d'améliorer l'expérience de la maternité pour les femmes vivant avec le VIH. Avec le soutien et les chercheurs appropriés, les femmes vivant avec le VIH pourront donner naissance à des enfants qui ne seront pas affectés par le virus ou ses traitements.
Pour en savoir plus sur les dernières recherches de CANFAR, cliquez ici.